mardi 11 novembre 2008

L'écri-lecture à l'époque de Walter Benjamin

En 1936, Walter Benjamin préfigure déjà la métamorphose des rôles de l'auteur et du lecteur qui culminent aujourd'hui à l'ère du numérique par la diffusion de plus en plus ouverte des contenus et la possibilité offerte à quiconque d'être un lecteur-auteur:

"Avec l'extension de la presse, qui n'a cessé de mettre à la disposition du public de nouveaux organes, politique, religieux, scientifiques, professionnels, locaux, on vit un nombre croissant de lecteurs passer — d'abord de façon occasionnelle — du côté des écrivains. La chose commença lorsque les journaux ouvrirent leurs colonnes à un "Courrier des lecteurs", et il n'existe guère aujourd'hui d'Européens qui, tant qu'il garde sa place dans le processus du travail, ne soit assuré en principe de pouvoir trouver, quand il le veut, une tribune pour raconter son expérience professionnelle, pour exposer ses doléances, pour publier un reportage ou un autre texte du même genre. Entre l'auteur et le public, la différence est en voie par conséquent de devenir de moins en moins fondamentale. Elle n'est plus que fonctionnelle et peut varier d'un cas à l'autre. A tout moment, le lecteur est prêt à devenir écrivain"
WALTER BENJAMIN
L'Œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité

La modèle du Blog s'apparenterait-il ainsi à un super-courrier des lecteurs, où les commentaires constitueraient des courriers de lecteurs à l'intérieur de courriers de lecteur? A ceci près que le travail et son processus, ne sont plus la condition même pour accéder à une tribune. Il ne faut plus être un "professionnel" pour diffuser son expérience. L'initiative personnelle, même celle du profane, est le moteur suffisant pour publier du contenu et elle ne doit plus passer par un organe transitoire comme l'éditeur ou la structure professionnelle.
C'est peut-être dans cette attitude du "être prêt" à devenir écrivain, du qui-vive (attentif à ce qui se passe), que l'on distingue les lecteur-auteurs des auteurs: être sur le starting block de l'écriture.

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